BOOK CLUB #2

Article publié le 17 décembre 2025

Temps de lecture : 6 minutes

Comment le numérique impacte-t-il la création artistique ? Réponses dans des livres récemment parues. Notre sélection en quelques mots : Peinture & Numérique, Découvrabilité, Intelligence Artificielle…

Peinture & Numérique, Pratiques et enjeux contemporains

Ecole Supérieure d’Art et de Design de Saint-Etienne Avril, 2025

Que devient la peinture à l’ère de la production infinie d’images ? Ce livre rappelle combien la peinture n’a jamais disparu des pratiques artistiques, mais s’est au contraire réinventée, réinvestie par de nombreux artistes. L’ouvrage propose une compilation d’entretiens croisés entre chercheurs/théoriciens (Noémie Cursoux, Didier Semin…) et une nouvelle génération d’artistes tels que Jeremy Liron ou Marine Wallon. Ces 9 artistes interviewés hybrident peinture et photographie, ancrant leurs images dans une relation intime et autobiographique. Ils puisent leurs sources dans la culture internet, les documentaires vidéo ou les captures d’écran… autant d’arrêts sur image issus de flux continus. L’ouvrage interroge également la manière dont les logiciels ont redéfini les modes de composition et de peinture (cf l’article François Boisrond et l’image numérique : Photoshop à l’épreuve de Goethe). Enfin, plusieurs peintres évoquent le rôle de la peinture face à l’émergence de l’IA. Comme le résume l’artiste Thomas Lévy-Lasne, à la différence des photos, “la peinture assume son artificialité dans sa nature même, constituée de boue colorée, faite à la main”. Un rappel à l’ordre sur le rôle de la peinture (et de l’art) dont le but est moins de rechercher la vérité que de nous confronter à la vérité.

AC

La découvrabilité : un défi culturel à l’ère des plateformes

N°64 Observatoire des politiques culturelles
Juillet, 2025

Découvrabilité ! Un mot tout droit sorti du jargon des politiques culturelles, au point qu’il semble réservé à quelques initié·es. Et pourtant, la découvrabilité nous concerne tou·tes. Elle désigne ce qui, en ligne, rend un contenu visible (ou non) à l’ère des algorithmes boosté à l’IA, des bulles de filtre et des métriques d’audience qui dictent nos vies culturelles… Ce 64ᵉ numéro de la revue de l’Observatoire des Politiques Culturelles s’empare brillamment du sujet. On y trouve une dizaine d’articles décortiquant les mécanismes de la découvrabilité sur Internet, les enjeux propres au secteur culturel ou analysant les orientations du ministère (cf l’analyse d’Anne Bellon “Le ministère face aux plateformes”). L’un des volets les plus captivants de ce numéro réside dans l’exploration des subcultures. Mention spéciale à la chercheuse Delphine Chedaleux pour son article “Lire la romance sur les plateformes : expériences de lecture sur Wattpad et AO3”. Un même objet – la romance et la fan fiction – et deux visions du numérique : d’un côté, Wattpad, progressivement happé par les logiques commerciales et les algorithmes poussant certains contenus ; de l’autre, AO3, plateforme non-commerciale, où un système de filtres redonne au lecteur une liberté dans la découverte des contenus. Une illustration des tensions existantes, entre business et indépendance, standardisation et diversité culturelle.

AC

L’art au temps de l’IA… Générer, critiquer, créer : trois mots qui résonnent comme autant de promesses. Le verdict, une fois l’ouvrage refermé ? Ce petit volume de moins de 200 pages (né d’un partenariat avec le Centre Pompidou, l’IRCAM et le CNRS) fait fi des lieux communs qui saturent les débats de l’IA dans l’art. Après un propos liminaire et une remise en perspective historique, une constellation d’artistes et de chercheur·euses – Philippe Esling, Baptiste Caramiaux, Gérard Assayag, Carmine-Emanuele Cella… – déploie un panorama de la musique à la littérature, de l’architecture à la danse, du cinéma aux arts plastiques. Ici, l’IA est analysée sous le prisme d’une matière sensible : elle déplace le regard de l’artiste, reconfigure les processus de création et ouvre des territoires d’expérimentation. Référencé, rigoureux et généreux dans ses analyses, l’ouvrage est une boussole pour appréhender les impacts créatifs de l’intelligence artificielle, du machine learning à la GenAI. Son dernier chapitre, consacré aux enjeux politiques et culturels, interroge frontalement la disparition de l’erreur, le poids des infrastructures techniques ou encore les biais mémoriels qui conditionnent nos futurs possibles. Cerise sur le gâteau : une conclusion qui rassemble un corpus d’œuvres emblématiques de voix majeures telles que Vera Molnar, Hito Steyerl, Holly Herndon et Mathew Dryhurst ou Trevor Paglen. Un must have pour toutes celles et ceux qui souhaitent comprendre ce que l’IA fait réellement à l’art, et ce que l’art peut faire de l’IA.

AC


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